Réglementation : L'essentiel pour la conformité
Naviguer dans le cadre réglementaire de l'emploi de personnel étranger est complexe. Une méconnaissance des lois peut exposer votre entreprise à de lourds risques. Voici un aperçu des articles clés du Code du travail qui encadrent vos obligations.
Article L. 8251-1 du Code du travail : Ce texte est la base de toute la réglementation : il interdit formellement à un employeur d'embaucher ou de conserver à son service un travailleur étranger qui ne possède pas une autorisation de travail. Cette autorisation est souvent une mention sur son titre de séjour, mais peut aussi être un document distinct.
"Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France."
Article L. 8256-2 du Code du travail : Cet article définit les sanctions pour les employeurs qui ne respectent pas l'interdiction de l'article L. 8251-1. Le non-respect peut entraîner de lourdes sanctions financières (amendes administratives, versements à l'OFII) et des poursuites pénales.
"Le fait de recruter, en connaissance de cause, un travailleur étranger non autorisé à travailler en France, ou d'avoir recours à ses services en tant que sous-traitant est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 15 000 €."
Article L. 5221-8 du Code du travail : Cet article établit votre obligation en tant qu'employeur de vous assurer de l'existence et de la validité du titre de travail de votre futur salarié. Cela ne s'arrête pas à une simple vérification visuelle ; cela implique une démarche active.
"L'employeur qui embauche un salarié étranger est tenu, dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche, de s'assurer auprès de l'administration du titre l'autorisant à travailler en France."
Articles R. 5221-41 et R. 5221-42 du Code du travail : Ces deux articles décrivent la procédure que vous devez suivre pour vérifier le titre de séjour. Ils exigent que vous fassiez une demande de vérification auprès de la préfecture (ou de la préfecture de police à Paris) au moins deux jours ouvrables avant l'embauche. L'absence de réponse dans ce délai vaut acceptation implicite et vous couvre en cas de contrôle.
Article R. 5221-41 : "L'employeur adresse à l'autorité administrative... une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou un courriel, afin de faire procéder à la vérification du titre de séjour ou de l'autorisation de travail..."
Article L. 1221-10 du Code du travail : Ce texte concerne la Déclaration Préalable à l'Embauche (DPAE). Bien qu'elle soit une obligation générale pour tous les salariés, elle est cruciale pour la gestion du personnel étranger. La DPAE est une formalité qui assure la traçabilité administrative du recrutement et sa non-réalisation est considérée comme du travail dissimulé.
"L'employeur est tenu de déclarer, au moyen de la Déclaration Préalable à l'Embauche (DPAE), toute embauche qu'il réalise auprès des organismes de protection sociale désignés par décret."
Au-delà de l'employeur direct, la réglementation vise également à responsabiliser la chaîne de sous-traitance. En tant que donneur d'ordre, votre entreprise a une obligation de vigilance à l'égard de ses sous-traitants pour s'assurer qu'ils respectent les règles du travail. En cas de manquement grave (par exemple, l'emploi de personnel sans titre de travail), votre responsabilité peut être engagée.
Article L. 8222-1 du Code du travail : Cet article établit l'obligation générale de vigilance du donneur d'ordre. Il rend l'entreprise cliente solidairement responsable si elle a connaissance que son sous-traitant emploie du personnel sans autorisation de travail, sans s'être assuré de la conformité de sa situation.
"Le donneur d'ordre, informé de l'infraction par un agent de contrôle, est tenu de faire cesser immédiatement la situation de travail illégal."
Article D. 8222-5 du Code du travail : Cet article liste les documents que le donneur d'ordre doit se faire remettre par le sous-traitant au moment de la conclusion du contrat et tous les six mois. Ces documents permettent de prouver que l'obligation de vigilance a été respectée.
"Pour respecter l'obligation de vigilance, le donneur d'ordre doit vérifier que le sous-traitant lui remet, lors de la conclusion du contrat et tous les six mois : 1° Une attestation de fourniture de déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions sociales... 2° L'attestation sur l'honneur que le sous-traitant emploie des salariés étrangers munis de leur titre de travail."
Le prêt de main-d'œuvre, également appelé mise à disposition de personnel, est un contrat par lequel une entreprise, dite entreprise prêteuse, met un de ses salariés à disposition d'une autre entreprise, dite entreprise utilisatrice, pour une durée déterminée. Contrairement au travail temporaire ou au détachement, ce mécanisme implique que le salarié retourne à son poste initial une fois la mission terminée. Il doit être à but non lucratif pour l'entreprise prêteuse, c'est-à-dire que le coût facturé à l'entreprise utilisatrice ne doit pas excéder le coût salarial, les charges sociales et les frais professionnels du salarié.
Obligations des parties
L'accord du salarié : Le salarié doit expressément et par écrit donner son accord. Un avenant à son contrat de travail doit être signé pour préciser la mission, le lieu et la durée.
La convention de prêt : Les deux entreprises doivent signer une convention de mise à disposition. Ce document est crucial et doit obligatoirement inclure :
La durée du prêt et l'identité du salarié.
Le poste de travail occupé et les horaires de travail.
Le montant facturé par l'entreprise prêteuse à l'entreprise utilisatrice.
Les modalités de l'exécution du travail et les conditions de rupture.
L'entreprise prêteuse : Elle reste l'employeur du salarié. Elle continue de verser le salaire, de payer les charges sociales et de conserver le pouvoir disciplinaire. Elle assure également le suivi du salarié durant sa mission.
L'entreprise utilisatrice : Elle est responsable des conditions de travail du salarié, notamment en matière d'hygiène et de sécurité. Elle exerce le pouvoir de direction et de contrôle pour la durée de la mission.
Restrictions et sanctions
Interdiction de substitution : L'entreprise utilisatrice ne peut pas avoir recours au prêt de main-d'œuvre pour remplacer un salarié gréviste.
But non lucratif : Comme mentionné, le prêt doit être à but non lucratif. Toute opération de prêt de main-d'œuvre lucrative est considérée comme un délit de marchandage ou un délit de prêt illicite de main-d'œuvre. Ces délits sont lourdement sanctionnés par la loi (jusqu'à 2 ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende pour les personnes physiques, et jusqu'à 150 000 € d'amende pour les personnes morales).
Articles de loi
Le cadre légal du prêt de main-d'œuvre est principalement défini par le Code du travail :
Article L. 8241-1 : Cet article définit le prêt de main-d'œuvre à but non lucratif entre entreprises.
Articles L. 8241-2 à L. 8241-3 : Ils précisent les conditions d'application de ce mécanisme.
Articles L. 8231-1 et L. 8241-1 (et suivants) : Ces articles décrivent les délits de marchandage et de prêt illicite de main-d'œuvre et leurs sanctions.
Le marchandage est une pratique illégale définie par le Code du travail français. Il se produit lorsqu'une entreprise, dite "fournisseur", met à disposition des salariés à une autre entreprise, dite "receveur", mais dans le but de réaliser un profit illicite. Ce profit n'est pas nécessairement financier ; il peut également viser à contourner la loi, par exemple en réduisant les coûts de main-d'œuvre ou en évitant les responsabilités d'employeur.
Principes et interdictions
Contrairement au prêt de main-d'œuvre à but non lucratif, qui est autorisé, le marchandage est strictement interdit car il porte atteinte aux droits des salariés. Il est caractérisé par deux conditions cumulatives :
Une opération à but lucratif : L'entreprise qui met à disposition les salariés cherche à réaliser un bénéfice, en facturant un montant nettement supérieur aux coûts salariaux et aux charges.
Un préjudice pour le salarié : Cette opération a pour effet de causer un préjudice au salarié. Ce préjudice peut être la perte d'avantages sociaux, la dégradation de ses conditions de travail, ou une diminution de son salaire.
Obligations et sanctions
Interdiction absolue : Il n'existe pas de "convention de marchandage" légale. Tout accord de ce type est nul et peut être lourdement sanctionné.
Sanctions : Le marchandage est un délit pénal grave. Les sanctions sont sévères et visent à dissuader les entreprises de contourner la loi.
Pour les personnes physiques (gérants, dirigeants), les peines peuvent aller jusqu'à 2 ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende.
Pour les personnes morales (l'entreprise), l'amende peut s'élever à 150 000 €, et la société peut être temporairement ou définitivement interdite d'exercer.
Articles de loi
Le délit de marchandage est défini et sanctionné par les articles suivants du Code du travail :
Article L. 8231-1 : Cet article pose le principe de l'interdiction de toute opération de marchandage.
Articles L. 8232-1 à L. 8234-2 : Ces articles précisent les sanctions pénales applicables à ce délit.
Différence
La principale différence réside dans le but de l'opération. Le prêt de main-d'œuvre est légal s'il est à but non lucratif et ne cause aucun préjudice au salarié. Le marchandage, en revanche, est un délit pénal car il a toujours un but lucratif et cause un préjudice au salarié, en contournant la loi sur le travail. En clair, le premier est une aide entre entreprises, le second est une exploitation illicite.